Histoire – la lutte contre la sédentarité

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À l’occasion de l’officialisation du sport sur ordonnance (depuis le 1 mars, les personnes atteintes d’une affection de longue durée comme un arrêt vasculaire cérébral, un diabète, une paralysie, un cancer… peuvent se voir prescrire une activité physique adaptée, encadrée par un kinésithérapeute, psychomotricien, enseignant en activité physique adaptée…), nous avons voulu vous présenter un bref historique du rapport entre la médecine et la promotion de l’activité physique ( les paragraphes sont des citations des deux sources données en fin d’article).

Dans Les Régimes, Hippocrate (460-377 av. J.C.) préconise déjà l’exercice comme un facteur d’équilibre « entre la force que l’on dépense et celle que l’on absorbe ». Il conseille la prescription d’exercices qui tiennent compte des dispositions de l’individu et de la saison, et il bannit les excès.

Plus tard Galien (130-199 après J.-C.), médecin à l’école des gladiateurs de Pergame, rejette avec force les efforts violents des athlètes qui « se fatiguent chaque jour avec excès aux exercices » et souhaite que ce soit le médecin qui indique quels sont les exercices les plus appropriés pour un individu donné. Fidèle aux idées d’Hippocrate dont il s’affirme le disciple (…), il inclut la promotion de la « gymnastique » dans le champ de la médecine préventive et curative.

Plus récemment, les travaux successifs de Hermann von Helmoltz (1867), Paul Bert (1870) et Eduard Pflüger (1875) prouvent que les muscles sont « responsables de la majeure partie de la chaleur animale » (Charles Richet, 1889).

Parallèlement, les États-nations investissent la gymnastique. Tandis que la Suède expérimente une « gymnastique médicale » avec Per Henrik Ling, créateur en 1813 de l’Institut royal de gymnastique à Stockholm, la Prusse de Jahn puis la France du colonel Amoros explorent une voie plus militaire.

Mais il faut attendre les expérimentations menées dans les salles de gymnastique des universités américaines pour qu’un substrat scientifique soit produit sur les effets présumés favorables de l’exercice physique sur l’organisme humain.

En France, un cours d’« Hygiène scolaire et physique » est instauré en 1919 à Bordeaux.

En 1923, un cours supérieur d’éducation physique est mis en place dans plusieurs facultés de médecine (Paris, Lyon, Nancy, Lille …). Puis, en 1928, un décret porte création, au sein des facultés de médecine, des Instituts régionaux d’éducation physique (Irep, ancêtres des STAPS) où devront notamment enseigner des « médecins spécialistes des questions et des pratiques d’éducation physique ».

En France, d’abord sous le Front populaire, plus encore sous Vichy, et aussi après la Deuxième guerre mondiale, le sport et la bonne santé des pratiquants sont abordés sous l’angle de la santé publique. L’arrêté du 2 octobre 1945 sur le contrôle médical des activités physiques et sportives, stipule qu’il convient d’aider les sportifs « à les orienter rationnellement vers une activité d’éducation physique et sportive concourant à développer leur état de santé et leur équilibre en général ». Cette démarche est prolongée en 1946 par de nouveaux arrêtés concernant le certificat médical d’aptitude au sport et la création des centres médico-sportifs ou CMS. Simultanément, la formation spécialisée des médecins s’organise avec la mise en place de cours d’« hygiène sportive » dans les facultés de médecine.

Dans les années 80, l’INSEP publie un rapport qui distingue loisir et compétition, en attribuant à cette dernière modalité des « inconvénients en termes de santé publique ». Il met l’accent sur la dangerosité de pratiques à risques génératrices d’accidents, en particulier chez les ménages aisés.

À l’étranger, durant cette même période, la lutte contre la sédentarité prend son essor. En la matière, la Norvège fait figure de pionnier en élaborant dès 1967 une action à long terme (programme TRIM) destinée à encourager la population à participer le plus largement possible à des activités sportives attractives et individualisées. La Suède emboîte le pas à partir de 1973 et le Québec à partir de 1975 avec le programme Kino-Québec

En France, la question de la sédentarité n’est pas encore abordée dans les rapports publics. Certains médecins, particulièrement les médecins du sport, évoquent depuis les années 1990 ses « dangers » sur le développement des maladies chroniques. Elle le sera dans le rapport de santé 2002, après avoir fait l’objet d’une interrogation plus sérieuse en 2000 sur la question de la politique nutritionnelle en France. Elle est dès lors présentée comme une « maladie sociale ».

En une décennie, le traitement de l’activité physique dans les rapports de santé publique de 1994 à 2002 inverse les préoccupations et les symboliques du risque : l’inactivité physique devient une conduite plus dangereuse que la pratique sportive !

Sources :

Michel Rieu, « La santé par le sport : une longue histoire médicale », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 26 | 2010, mis en ligne le 24 février 2013. 

Jean-Paul Génolini, Jean-Paul Clément, « Lutter contre la sédentarité : L’incorporation d’une nouvelle morale de l’effort », Sciences sociales et sport 2010/1 (N° 3), p. 133-156.

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